Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

littérature suisse

  • So long, Nicolas !

    par Jean-Michel Olivier

    Unknown.jpegIl y a vingt ans, exactement, disparaissait le grand voyageur et écrivain Nicolas Bouvier. Voici l'hommage que je lui ai rendu dans La Tribune de Genève.

    Trop d'images et trop d'émotion, de souvenirs aussi, glanés au fil de ces rencontres qui furent autant de fêtes! 

    Que ce soit dans son atelier, perché au sommet d'une tour et encombré de livres et de photographies, sur les terrasses des bistrots de Carouge qu'il fréquentait assidûment, ou au collège de Saussure, il y a six mois encore, quand il vint rencontrer des élèves qui avaient adoré ses livres, et qui furent ébahis par sa liberté et son humour, son expérience de loup-de-terre, ses récits homériques, son charisme. 

    Il y avait chez Bouvier une vraie passion de l'autre, de l'étranger, de l'inconnu, de l'inouï, du merveilleux qui prend souvent les apparences de la plus grande banalité. Car cet homme qui adorait parler (il avait des rapports étranges avec sa langue, à la fois de douleur et d'extrême sensualité), cet homme était toujours en quête d'un secret à déchiffrer sous l'écorce des choses ou le cœur nu de ses semblables. 

    Unknown.jpegComme Cingria ou Cendrars, Nicolas Bouvier (ici avec le peintre Thierry Vernet) fut de ces écrivains qui ne tiennent pas en place, que ce pays étouffe et qui ne rêvent que d'évasion : toujours ailleurs, le nez dans les étoiles, le regard aspiré par l'Orient — lieu mythique de l'Origine, mais carrefour, aussi, de toutes les déroutes. 

    Pourtant, à la différence de ses maîtres, Bouvier partait pour mieux revenir, et c'est ici, à chaque fois, dans la maison familiale de Cologny, parmi les siens, qu'il reprenait ses notes et ses carnets de route, inlassablement, avec obstination, pour en extraire, par la magie de l'écriture, un tout autre voyage que le périple effectué sur le terrain : un voyage second qui réinventait le premier, l'éclairait d'une autre lumière, souvent violente, et lui faisait rendre gorge. 

    Il a écrit des livres inestimables, qui sont sans doute ce que ce petit coin de terre a produit de plus beau, tout à la fois récits initiatiques et élégies, histoires d'épouvante et traités de sagesse, journal de bord et conte de fées. Mais ces livres, malgré l'extraordinaire don poétique de Bouvier, ne se sont pas écrits tout seuls. La plupart ont nécessité des années de labeur (plus de seize ans pour le Poisson-scorpion). Car à chaque fois, il s'agissait pour lui d'un exorcisme : par la magie blanche des mots, le travail incessant de la main qui voyage sur la feuille de papier (son écriture était « sismographique »), à la manière des vieux maîtres japonais, il essayait de conjurer la magie noire de l'existence. 

    Cette (double) magie, on la retrouve bien sûr dans Le poisson-scorpion(1980) Unknown-1.jpegqui est peut-être le plus beau de ses livres, le plus désespéré, mais également le plus vivant, « bourré comme un pétard d'humour, de sagesse et d'espoir. » Mais on la trouve déjà dans L'Usage du monde (1963), ce récit d'un périple jusqu'aux Indes avec son presque frère, le peintre Thierry Vernet, devenu « livre-culte » pour toute une génération d'aventuriers, ou encore dans le magnifique et âpre Journal d'Aran (1990), qui marque la fascination de Bouvier pour les îles au climat rude ou désolé (Ceylan, Japon, Irlande). 

    « Il y a plus lent que Nicolas Bouvier et les frères Polo, écrivait Gilles Lapouge dans La Quinzaine littéraire. Il y a les as de la critique française qui ont réfléchi trente années avant de découvrir que ce Suisse en balade est l'un des grands écrivains de ce temps. » 

    Pour ce génial voyageur de la langue, la reconnaissance est arrivée bien tard. Paris a été longtemps sourd aux charmes de cette écriture qui sait mêler si bien le savoir des pays et des hommes aux saveurs singulières de l'expérience des sens. Mais qu'importe ! Dans ce silence injuste, Bouvier a rejoint Cingria, son vieux complice, et même Ramuz, que la France ignora trop longtemps. On peut se trouver en moins bonne compagnie.

    C'est avant-hier, à la veille de son anniversaire (il aurait eu 69 ans le 6 mars), que Nicolas Bouvier est reparti, pour un autre voyage encore, le nez dans les étoiles, comme toujours, et le regard rivé au-dessus du Salève, vers cet Orient qui l'aura tant fasciné. 

    Il est parti « dans la sérénité », comme l'a confié son épouse Éliane, après une maladie contre laquelle il se battait depuis longtemps, avec ses armes inimitables (la ténacité, la distance ironique), et qui finalement a eu le dernier mot. 

    Mais nul doute que là-bas, de l'autre côté du monde, il continuera à écrire. 

    So long, Nicolas, and take care !

  • Lecture à deux voix à la Galerie

     

    Mercredi 20 janvier à 19 h

     

    Sarah Olivier et Jean-Michel Olivier 

    liront des extraits à deux voix

    d'un roman à paraître

     

    Passion noire

     

    La Galerie, rue de l’Industrie 13, Les Grottes, Genève

     

    Entrée libre

  • À propos de L'Ami barbare, par Jean-Louis Kuffer

    DownloadedFile.jpegD’un souffle épique et d’un humour rares, le nouveau roman de Jean-Michel Olivier évoque, dans un flamboyant mentir-vrai, la figure de Vladimir Dimitrijevic, grand éditeur serbe mort tragiquement en juin 2011.*

    La légende est une trace de mémoire, orale ou écrite, qui a toujours permis à l’homme d’exorciser la mort et de célébrer ses dieux, ses saints ou ses héros.

    VladimirDimitrjevic (1934-2011), Dimitri sous son surnom de légende vivante, ne fut ni un saint ni un héros ! Pourtant la vie du fondateur des éditions L’Âge d’Homme relève  du roman picaresque à la Cendrars que  Jean-Michel Olivier, son ami, en a tiré avec une verve sans pareille. Des ingrédients que lui a servis la vie, il a fait un plat de fiction pimenté à souhait.  Dimitri, qui ne tirait jamais le couteau nine  fréquentait les bordels à notre connaissance, se serait régalé  en se retrouvant dans la peau d’un fou de foot et de femmes qui délivre un âne aux pattes prises dans la glace, casse la figure de ceux qui le rabaissent et fustige ceux qui « freinent à la montée » en terre littéraire plombée par le calvinisme. Dans la foulée, aux foutriquets médiatiques  qui prétendent que rien ne se passe dans nos lettres depuis la disparition de Chessex,  l’auteur de L’Amour nègre prouve le contraire en célébrant tout ce qui vit et vibre, par le livre, ici autant que partout !    

    Brassant la vie à pleines pages, fourmillant de détails tragi-comiques, L’Ami barbare déploie un récit à plusieurs voix  autour d’un cercueil ouvert. En celui-ci repose Roman Dragomir, alias « le dragon », mort dans un terrible accident de la route mais parlant comme il a vécu, tour à tour chaleureux et véhément. Tendre au vu de sa fille gothique ou de ses fils de diverses mères. Vache envers telle dame patronnesse de la paroisse littéraire romande ou tel vieil ennemi juré au prénom de Bertil. Avec son soliloque alternent les dépositions de  sept témoins majeurs, qui évoqueront les grandes étapes de sa vie passionnée.

    Voici donc Milan Dragomir, frère cadet (fictif) du défunt, brossant le tableau hyper-vivant d’une enfance en Macédoine puis à Belgrade, marqué par la passion du football et des livres, mais aussi par la guerre, le père emprisonné (d’abord par les nazis, ensuite par les communistes) et l’exil que son frère continue de lui reprocher comme une trahison. Dimitri était fils unique, mais l’invention des frères Dragomir est une belle idée romanesque, autant que la figure récurrente d’un âne à valeur de symbole balkanique et biblique à la fois.

    La suite des récits alternés entremêle faits avérés et pures affabulations. Une libraire juive de Trieste, Johanna Holzmann, évoque le premier séjour de Roman à Trieste, en 1954, sous le signe d’une passion partagée. C’est un personnage rappelant d’autres romans de Jean-Michel Olivier, mais l’exilé en imper à la Simenon a bel et bien passé par le Jardin des muets. De même Dimitri fut-il, en vérité, footballeur à Granges, comme le raconte l’ouvrier d’horlogerie et gardien de but Georges Halter, surnommé Jo. Les Lausannois se rappellent le libraire yougoslave mythique de chez Payot, au début des années 60, et Christophe Morel, en lequel on identifie le fidèle Claude Frochaux, est le mieux placé pour ressusciter  ce haut-lieu de la bohème lausannoise que fut le bar à café Le Barbare aux escaliers du Marché. Quant à la fondation des éditions La Maison, dont Roman Dragomir fera le fer de lance des littérature slaves plus ou moins en dissidence, elle est narrée au galop verbal par le même Morel, compagnon de route athée et libertaire aussi fidèle à Roman qu’opposé à ses idées de croyant « réac » lançant du « vive leroi ! » sur les barricades de Mai 68… 

    Avec Roman Dragomir, l’âme slave rayonnera de Lausanne à Paris et Moscou, et c’est une dame russe voilée qui poursuit, devant le cercueil, le récit des tribulations de l‘exilé bientôt confronté à l’implosion de son pays. Révolté par la propagande occidentale diabolisant sa patrie, Roman Dragomir défendra celle-ci avant de découvrir, sur le terrain, l’horreur de la réalité. Sur quoi l’écrivain Pierre Michel, double transparent de l’auteur, décrit l’opprobre subi par son ami en butte à la curée des « justes ».

    Un magnifique épisode, évoqué par la dame russe, retrace la visite d’une inénarrable cathédrale de livres, dans une usine désaffectée, en France voisine où l’éditeur génial a stocké des milliers de livres. Mausolée symbolique, ce lieu dégage une sorte d’aura légendaire. Or ce dépôt pharaonique existe bel etbien ! Et c’est de la même aura que Jean-Michel Olivier nimbe le personnage du « dragon » Roman, que les amis de Dimitri se rappellent aussi bien.

    À un moment donné, Christophe Morel avoue n’avoir parlé que des qualités de Roman Dragomir, alors qu’il faudrait plusieurs livres, selon lui, pour détailler ses défauts. Pour autant, L’Ami barbare n’a rien d’une apologiemyope : c’est un roman de passion et d’amitié, une stèle à la mémoire d’ungrand passeur dont les derniers mots ont valeur d’envoi : « La vie seule continue dans les livres. Priez pour le pauvre Roman ! »

     Jean-Michel Olivier. L’Ami barbare. Editions de Fallois/ L’Âge d’Homme, 292p. 

    * Article paru dans L'Hebdo du 21 août 2014.

  • Dimitri le passeur (1934-2011)

    303549038.JPGIl y a un an, le 28 juin 2011, Vladimir Dimitrijevic se tuait sur la route, près de Clamecy, dans une fourgonnette remplie de livres qu'il emportait à Lausanne, siège des éditions L'Âge d'Homme. Ce n'était pas seulement un grand éditeur suisse, mais l'un des plus importants éditeurs européens. À l'époque du silence et de la censure, on lui doit d'avoir découvert Zinoviev et Grossman, Haldas et Vuilleumier, le journal intime d'Amiel et les bourlinguages de Cingria, entre autres. C'est lui, également, qui a publié les Chroniques japonaises de Bouvier (dont aucun éditeur ne voulait). En quarante-cinq ans d'édition, son catalogue aura compté près de 4500 titres ! Il l'appelait d'ailleurs son « grand œuvre », toujours avide et impatient de l'enrichir par de nouvelles publications.

    L'un de ses derniers grands plaisirs aura été le succès de L'Amour nègre, Prix Interallié 2010, fêté ici à la Villa La Grange, en février 2011, en présence de Pierre Maudet et de Manuel Tornare.

    Dimitri est mort un 28 juin, anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, et jour de la fête nationale serbe. Hasard ou force du destin ? Sa vie aura été un livre plein de fureur et d'enthousiasme, d'emportements et de combats.

    Une vie vécue sous le signe de la passion.

  • Le petit vélo de Cingria

    images-2.jpegpar Jean-Michel Olivier

    Connaissez-vous Cingria ? Lequel ? me direz-vous. Alexandre le peintre, le verrier, le mosaïste ? Ou Charles-Albert, l’écrivain vagabond, le musicien, le vélocipédiste ? Parlons de ce dernier. Un sacré numéro. Unique dans la littérature française. Inclassable. À la fois minutieux, désinvolte et pétri de tous les talents artistiques.

    Né à Genève en 1883, il fait partie de la génération des grands dynamiteurs de la littérature : Joyce, Kafka, Proust. Il pourrait être aussi connu que ces géants. Mais Charles-Albert, très vite, après des études inachevées à Saint-Maurice, a choisi les chemins de traverse. L’école buissonnière. Il étudie d’abord la musique à Genève et à Rome. Puis il sillonne l’Europe en train et à vélo. Comment vit-il ? Il survit. Petits boulots. Articles qu’il publie dans les revues et les journaux, ici et là. Conférences qu’il donne devant une poignée d’auditeurs. Quand il s’arrête quelque part, il loge dans une chambre de bonne, à Fribourg, à Lausanne, à Sion. Son fidèle vélo partage sa couche — même quand il habite sous les toits.

    Parfois, il défraie la chronique en emmenant chez lui un ragazzo romain ou en giflant l’aristocrate Gonzague de Reynold. Il passe quelques jours en prison. On le libère. Il reprend son vélo, ses bourlingages. À la différence de Nicolas Bouvier, autre écrivain aux semelles de vent, il ne lutte pas contre la dépression. Cingria est un pèlerin heureux.

    En témoignent les centaines de pages qu’il consacre aux petits riens de la vie quotidienne. images-1.jpegUne rencontre furtive. L’atmosphère d’un bistrot enfumé. La beauté d’une fleur ou d’un air de musique. Il n’a pas son pareil pour photographier, d’un coup d’œil et de langue, un paysage, un regard, un bord de mer au crépuscule. « L’écriture est un art d’oiseleur, et les mots sont en cage avec des ouvertures sur l’infini. » Le génie de Charles-Albert, c’est d’ouvrir toutes grandes ces cages. De rendre aux mots leur liberté.

    Il faut relire Cingria. C’est le moment. Même s’il est encore trop méconnu en France, on le découvre en Suisse grâce aux éditions L’Âge d’Homme qui viennent de republier les premiers tomes de ses Œuvres complètes (Pierre-Olivier Walzer, grand connaisseur de Cingria, avait réuni, de 1967 à 1980, une admirable édition de ses textes).

    images.jpegParallèlement, la revue littéraire Le Persil lui a consacré un numéro spécial. Et Charles-Albert a droit à un hommage exceptionnel dans la collection Le Cippe**, dirigée par le poète et critique Patrick Amstutz. On y retrouve les signatures de Jean Starobinski, Jacques Réda, Jean-Georges Lossier, Patrick Kéchichian, Alexandre Voisard et tant d’autres. Une excellente invitation à relire ce vagabond des lettres à l’érudition stupéfiante, au savoir toujours savoureux.

     

    * Charles-Albert Cingria, Œuvres complètes, L’Âge d’Homme, 2011.

    ** Cippe à Charles-Albert Cingria, éditions Infolio, 2011.

  • Chessex, encore

    images.jpegJe viens de recevoir, par la poste, le dernier livre de Jacques Chessex, L'Interrogatoire*. Avec, sur la page de garde, une dédicace écrite au Pentel noir, d'une graphie souple et belle. En amitié. Jacques C.

    Impossible ! me direz-vous. Chessex est mort le 9 octobre 2009, à Yverdon, après avoir été pris à partie, publiquement, par un médecin vaudois, qui a courageusement pris la fuite. Et qui, à l'heure actuelle, ne doit pas être très fier de lui.

    Mort, Chessex?

    Oui et non. Les écrivains ne meurent jamais tout à fait. Jamais complètement. La preuve? Sort de presse, ces jours-ci, le dernier livre de Chessex, issu des notes que l'écrivain avait rassemblées dans les semaines précédant le drame d'Yverdon. L'Interrogatoire.

    Ce n'est pas un roman, ni un essai, ni un conte philosophique. Mais une longue confession, à la manière de Rousseau, que JC admirait comme un maître. Chessex est mis à la question. Remis en question(s). Interrogé par une voix anonyme qu'on suppose venir de très haut. Et qui le connaît bien. Une voix qui gratte, qui rôde, qui fouine dans la vie du grand écrivain. Une voix qui ne s'en laisse pas conter. Opiniâtre, forte, impitoyable. Et Chessex se livre entièrement à cette confession. Non pour alléger sa conscience. Mais pour creuser encore cette conscience de soi, cette présence au monde et à autrui qu'il a essayé de fouiller dans tous ses livres, même les moins autobiographiques.

    Examen de conscience, diront les protestants, qui s'y connaissent pour sonder leurs abîmes ou tourmenter leur âme.

    Besoin de lumière. Exigence de clarté. Sur sa vie. Ses amours. Ses amitiés. Ses admirations. Ses livres.

    Un livre qui se lit d'une traite. Parce qu'il vous est adressé. A vous. A moi.

    Par-delà la mort et les péripéties de l'existence.

    Un écrivain ne meurt jamais tout à fait. Sa voix s'entend encore longtemps après que son visage nous a quitté.

    * Jacques Chessex, L'Interrogatoire, Grasset, 2011.

  • Douna Loup : un nom à retenir

    images.jpegRetenez bien ce nom, aux allures de pseudonyme ethno : Douna Loup. Douna comme Douna, une petite ville du Burkina Faso. Et Loup comme le grand méchant loup, et comme le Théâtre du même nom. Car Douna Loup vit à Genève où elle est née en 1982, de parents marionnettistes. Si l'on en croit Culturactif, « elle passe son enfance et son adolescence dans la Drôme. À dix-huit ans, son Baccalauréat Littéraire en poche, elle part pour six mois à Madagascar en tant que bénévole dans un orphelinat. À son retour elle s'essaye à l'ethnologie, elle nettoie une banque suisse pendant trois mois, garde des enfants durant une année, écrit sa première nouvelle, puis devient mère, et étudie les plantes médicinales. Après avoir vendu des tisanes sur les marchés et obtenu un certificat en Ethno-médecine, elle se consacre pleinement à l'écriture et à ses deux filles. »

    Un premier roman, donc, au titre énigmatique, L'Embrasure*. Un titre qui donc à la fois l'ouverture, la blessure et la brûlure. Et c'est bien de cela qu'il s'agit dans cette roman qui cherche un peu sa voie entre des épisodes parfois aléatoires, voire incertains, et pas toujours bien ficelés ensemble. Simple défaut de jeunesse : le désir impérieux de tout dire, de trop dire, dans un seul livre. Mais le lecteur qui prend la peine d'entrer dans cet univers à la fois fantastique et singulier ne sera pas déçu : il y trouvera matière à réflexion et à rêverie. Il se laissera surprendre à chaque page par une sensation nouvelle, une découverte, un rythme ou une odeur, une trouvaille poétique.

    Le narrateur de L'Embrasure est un jeune homme de 25 ans, ouvrier, taciturne et solitaire. Sa vraie passion n'est pas l'usine, où il travaille comme un robot, mais la forêt, qu'il explore comme une femme, et parcourt de long en large pour aller chasser. Affûts. Longue traque muette. Observation de tous les signes, traces, brisées, qui le mènent infailliblement à sa proie. Or, au lieu d'une proie patiemment traquée, il tombe un jour sur un cadavre à l'abandon. Un homme perdu, sans nom et sans visage. « Maintenant que je vois la forme c'est sûr, il y a la tête qui se devin sur la terre et les bras repliés sur le thym. »

    Pourquoi cet homme est-il venu mourir dans sa forêt ? Quels signes a-t-il voulu lui envoyer ?

    Le roman démarre vraiment par cette découverte. Dès cet instant, le narrateur est littéralement hanté par l'inconnu. Il entreprend sa propre enquête sur le mort — un suicidé, en fait — qui s'avère s'appeler Leandro Martin, noter régulièrement ses réflexions dans de petits carnets, vivre en marge de la société et de sa famille, qui le connaît si mal. Bien sûr, cette enquête sur l'autre, le mort perdu dans sa forêt, est d'abord, pour le narrateur, une quête de soi-même. Une quête qu'il poursuit à travers plusieurs femmes. Lise d'abord, puis Eva (il fallait une femme fatale au roman!). Douna Loup excelle à rendre à la fois le désir et le vide, la sensualité de ces rencontres et l'impasse où elles mènent : « tous les deux, nous nous demandons ce qui nous rassemble, et nous nous rassemblons quand même ». Il y a de la sauvagerie, mais aussi du désespoir dans cette rencontres toujours fragiles, toujours à confirmer le lendemain.

    Si le roman se perd un peu dans sa dernière partie, c'est sans doute que son narrateur est lui-même perdu, en quête d'une vérité sur le monde et sur lui-même qui glisse entre ses doigts comme la pluie sur les feuilles des arbres. On sent chez lui l'appel constant de la nature, sa beauté, sa violence, son mystère impérieux, qui le renvoie à son amour des femmes, non moins sauvage et mystérieux. Dans une langue à la fois simple et efficace, très poétique, Douna Loup sait créer un monde d'images et de sensations fortes. Elle renvoire le lecteur, comme le narrateur, à l'énigme de son désir. Elle trouve les mots pour dire ce qui se cache dans l'embrasure.

    * Douna Loup, L'Embrasure, roman, Mercure de France, 2010.

    La revue Le Passe-Muraille publie, dans son dernier numéro, un long texte inédit de Douna Loup.


    Douna Loup, "L'embrasure" par mercuredefrance

     

  • Pourquoi nous sommes médiocres !

    images.jpegPrenez le train, l'avion, le paquebot! N'ésitez pas à passer les frontières ! Quittez votre fauteuil cossu pour aller respirer l'air du dehors, ailleurs, loin de vos Alpes…

    Où que vous soyez, en France ou en Océanie, à New York ou à Tombouctou, on vous posera toujours la même question (on me l'a posée 300 fois depuis novembre) : y a-t-il de bons écrivains en Suisse ? Et si oui, lesquels ?

    Au début, la question étonne et interpelle. Puis elle consterne.

    — Bien sûr ! dites-vous, l'air offusqué. Et vous commencez à énumérez les Saintes Ecritures : Ramuz (le Z ne se prononce pas), Haldas (le S se prononce), Chessex (le X ne se prononce pas), Bouvier, Chappaz (le Z ne se prononce pas), Corinna Bille, Monique Laederach, etc. Et vous continuez avec les écrivains vivants : Sprenger, de Roulet, Layaz, Bagnoud, Albanese, Kramer, Béguin, Bimpage, Comment, Safonoff, Moeri, etc.

    Au bout d'une heure, votre interlocuteur marque une pointe de lassitude. Il vous coupe la parole.

    — Mais alors, ricane-t-il, pourquoi ne sont-ils pas connus ?

    Bonne question. À laquelle, bon prince, vous prenez la peine de répondre.

    — Si nous sommes si médiocres, si nous n'existons pas à l'étranger, c'est essentiellement pour deux raisons.images-1.jpeg

    1) Malgré tous les efforts des éditeurs, qui sont modestes, les livres d'auteurs suisses sont mal distribués en France. Voire, le plus souvent, pas distribués du tout. Faute de moyens financiers, d'abord. Faute aussi d'aide confédérale ciblée. Pro Helvetia, qui devrait favoriser la diffusion de la littérature suisse à l'étranger, fait très mal son travail. Sur ce plan, c'est un échec complet. Tous les auteurs vos le diront. Les éditeurs itou. Pas de diffusion, pas de ventes, ni de lecture.

    2) Si la litttérature de ce pays est si mal connue hors des frontières, c'est aussi qu'elle est très mal défendue. Par certains journalistes locaux, d'abord, qui l'ignorent ou la boudent, victimes du préjugé selon lequel cette littérature ne peut être qu'ennuyeuse et vaine. Mal défendue, ensuite, par celles et ceux qui, à Pro Helvetia ou dans les journaux de « référence », devraient la soutenir et qui ne font rien, par incompétence ou par paresse. Allez faire un tour, par exemple, au Centre Culturel suisse de Paris et vous serez consterné : hormis les livres d'architecture et de design, il n'y a pratiquement aucun livre suisse à la bibliothèque du CCs ! Impossible de faire connaître une littérature sans passerelles ou passeurs d'exception, tels que furent, en leur temps, Bertil Galland et Vladimir Dimitrijevic. Et ces passeurs, aujourd'hui, n'existent plus. Un gang de fonctionnaires, peu versés en littérature et particulièrement inefficaces ou méprisants, les a remplacés.

    images-2.jpegQue faire alors ? Multiplier les passerelles. Ouvrir des brèches (comme les blogs, par exemple). Briser cette conjuration étrange du silence et de l'incompétence. Le complot triste des éteignoirs. Lire et faire lire les ouvrages qu'on aime.

    Voyager. Traverser les frontières.

    Toujours un livre à la main.

     

     

  • L'Amour nègre à la Mère Royaume

    images-1.jpegDu nouveau à la Compagnie des Mots !

    Pour offrir un plus vaste espace aux passionnés de littérature romande, la Compagnie des Mots recevra désormais ses auteurs au restaurant de la Mère Royaume, 4 Place Simon-Goulart (parking à la gare Cornavin).

    Prochain rendez-vous à ne pas manquer : lundi 7 février, de 18h à 20h, la Compagnie accueillera Jean-Michel Olivier, prix Interallié 2010 pour son roman L’amour nègre.

    Animation : Serge Bimpage
    Avec la participation de Stéphanie Pahud, Maître assistante UNIL et de Pierre Cohannier, comédien.
    Bar, possibilité de se restaurer après.
    Renseignements : www.lacompagniedesmots.ch

    ou 078 680 49 53

  • Jean-François Duval, écrivain-philosophe

    images-3.jpegpar Jean-Michel Olivier

    On ne présente plus Jean-François Duval : journaliste, écrivain et bourlingueur, né en 1947 à Genève, qui distille chaque semaine dans l'hebdomadaire M-Magazine, ses délicieuses chroniques « Minute papillon ». Après deux romans, Boston Blues (2000) et L'annéée où j'ai appris l'anglais (2006), Duval nous propose un recueil de textes courts et savoureux, petit traité de philosophie quotidienne. Dans Et vous, faites-vous semblant d'exister ?* Duval excelle dans l'art du portrait, comme celui, subtil, de la fable. À travers cent détails quoditiens, que nous avons perdu l'habitude de voir, il nous rappelle que le monde qui nous entoure demande sans cesse à être réenchanté. C'est-à-dire déchiffré, interprété, investi d'émotion et de sens. Mêlant les éléments de sa mythologie personnelle (la VW de ses parents, la corvée de bois, la prière du soir) aux fables d'aujourd'hui, plus massives, plus impersonnelles, Duval trace un petit état des lieux de notre société désenchantée et nous donne, peut-être, grâce à ce petit livre, les moyens d'y survivre. Entretien.


    Ton livre est composé de très courts chapitres (de 1 à 3 pages), le plus souvent sans lien immédiat les uns avec les autres. Pourquoi le choix de cette forme brève et « disparate » ?

    — C’est Denis Grozdanovitch qui, dans sa préface à mon livre, parle de « disparate si savoureux ». Lui-même est l’auteur de Petit traité de désinvolture et de L’art difficile de ne presque rien faire, où il pratique la forme courte, à l’instar de son propre préfacier, Philippe Delerm. Moi-même, je n’ai jamais pu oublier une rencontre avec Cioran, chez lui, rue de l’Odéon, en 1979, où il m’a dit (c’était à la fois une justification de ses propres écrits, et un conseil qu’il me donnait) : « Il y a plus de vérité dans le fragment. » C’est vrai : il peut arriver qu’une exigence excessive de cohérence (c’est une fatalité qui guette beaucoup de romans) débouche sur des passages inutiles et factices. Cela dit, même si mon Et vous, faites-vous semblant d’exister ? est constitué de chapitres courts, un fil rouge court entre eux et les relie souterrainement.  J’ai pris grand soin à la construction de ce livre, à peu près autant que Noé à la construction de son arche (rires). Le monde est divers et il faut rendre compte de sa variété. Au travers des mini-événements quotidiens qui font la trame de notre vie, j’ai voulu et me suis amusé à laisser transparaître quelques anciens grands mythes. Le narrateur, sous une forme certes minimaliste, affronte un Déluge tel que Noé, il se réfugie sur une montagne, le MacBook qu’il y emporte lui est un canot de sauvetage, une arche, il redescend de ses sommets, se mêle à la foule de ses semblables, s’embarque pour une petite odyssée en tram. Dans l’ensemble du livre, il s’efforce de récolter, à la façon de Robinson Crusoé, les débris du naufrage… Le petit chien qui l’accompagne est son Sancho Panza. Il vogue d’illusions en illusions et tente tant bien que mal de se frayer un chemin à travers les mythologies contemporaines et la réalité telle que nous la vivons. Le mouvement général est plutôt celui d’une mini épopée…

    Plusieurs chapitres développent des éléments de ta mythologie personnelle, comme la VW familiale. Ce livre est-il une autobiographie déguisée ?
    — Non, ça n’est pas une autobiographie. Mais il est clair que je fais appel à des souvenirs, à des choses qui me sont personnellement arrivées. Je crois que tout est à peu près vrai dans ce livre, y compris lorsque je raconte qu’à six ou sept ans je suis tombé dans le Rhône, dont le courant allait m’emporter, n’était le bras secourable d’un pêcheur qui m’a… repêché. En principe, les Genevois qui liront ce livre devaient humer ce qui fait le fond de l’air de leur ville. Le livre a été écrit sous cette mer de brouillard que tous ici nous connaissons si bien, et à laquelle, dès le deuxième chapitre, j’attribue des vertus philosophiques. A Genève, nous avons la chance de vivre très concrètement dans la caverne de Platon. En revanche, ce qui relève peut-être de la fiction, c’est lorsque, au-delà de notre monde terrestre, le narrateur assiste à une joute oratoire entre des Inexistants. Ou encore, lorsqu’il s’envole littéralement pour rattraper son chien. N’oublions jamais la fantaisie ! Ni que le réel est troué comme une écumoire, pénétré d’humour.

    images-4.jpegOn pense, en te lisant, aux célèbres Mythologies de Roland Barthes, dont tu as suivi les cours. A-t-il eu une influence sur ton écriture ? Si ce n'est lui, quels autres écrivains ou philosophes t'ont influencé ?
    — Pas vraiment en fait, même si ta remarque est judicieuse, par exemple pour ce chapitre où j’imagine « la prière du soir » vue comme un objet des années cinquante digne de figurer dans un musée d’ethnographie. Là, je me sentais proche de l’esprit du gag qui animait des bédéistes comme Franquin, Martin Branner ou Winsor McCay, ou encore les cartoonists américains du genre Tex Avery. Quand j’écrivais, bien sûr, les ombres familières de quantité de grands auteurs se pressaient dans ma tête, sans qu’il y ait de rapport de cause à effet sur le plan de la qualité du résultat final. Parmi eux, Sénèque, Epictète, Montaigne, qui parle de son corps, qui adore digresser (le monde n’est-il pas labyrinthique ?) et qui se réfère lui-même aux dédales de toutes les bibliothèques. Et puis Swift, pour le point de vue de Sirius et pour la satire. Les moralistes français aussi, Chamfort, La Rochefoucauld. Enfin, pour une bonne part, La Fontaine et des auteurs de contes (je suis toujours ébloui par l’histoire du Chat botté, qui me paraît la meilleure illustration de la crise des subprimes). J’avais très  envie que le livre prenne, par endroits, le caractère de la fable. Pourquoi ? Parce que je crois que nos existences à chacun tiennent, beaucoup plus que nous ne croyons, à notre sens de la fable.

    — Tu évoques avec bonheur ce qui constituait sinon les mythes de notre jeunesse, au moins ses rituels, comme la corvée de bois ou la prière du soir, que tu déchiffres et relis précisément comme des fables. Quels seraient les mythes ou les fables d'aujourd'hui ?
    — Ah là, tu me poses une colle ! Sur ce plan-là, je crois que notre monde s’est beaucoup rétréci. Mais d’abord, je pense qu’il serait prudent de distinguer le mythe, ou les mythologies, de la fable. La fable ne prétend pas à autre chose que ce qu’elle est. Les mythes et les mythologies, eux, souvent n’hésitent pas à prétendre à la vérité. Comme je le dis dans le livre, tout ce qu’on appelle les « grands récits » (dont les religions ont longtemps été la clé de voûte) s’est aujourd’hui effondré. Les églises et les cathédrales étaient d’immenses vaisseaux qui nous portaient et nous transportaient –jusqu’à assurer notre salut ! Aujourd’hui, nous sommes tous des naufragés. En cela, il nous incombe chaque jour de jouer les Robinson Crusoé. Les ressources auxquelles nous pouvons faire appel sont d’ordre minimaliste… Notre dernier grand mythe, celui auquel nous croyons encore, c’est celui de la science, du discours scientifique. Les autres mythologies ont-elles complètement disparu ? Non. Un Mircea Eliade nous répondrait qu’elles sont partout présentes sous des formes camouflées – autant sinon plus qu’à l’époque où Barthes s’y intéressait. Eliade n’aurait aucun mal à débusquer les mythologies contemporaines dans Desperate Housewives, Urgences, Mad Men, Les Experts, et autres séries télévisées. Quand toi-même, dans ton roman L’Amour nègre, tu fais la satire décapante du monde people dans lequel nous sommes en train de basculer (nous y érigeons Brad Pitt et Angelina Jolie en héroïques et divines figures de la statuaire gréco-latine), j’ai l’impression que tu opposes judicieusement la fable – l’arme de la fable – aux mythologies actuelles, qui nous font prendre des vessies pour des lanternes.

    images-2.jpeg« Si l'on veut réenchanter le monde, écris-tu, ce ne pourra être que de façon minimaliste. Non pas par de grands récits, mais en tournant notre intérêt vers des éléments épars, débris des grands vaisseaux qui portaient autrefois notre pensée et nos croyances. » Pourquoi, à ton avis, le monde, aujourd'hui, est-il désenchanté ?
    — Je parle du monde occidental. Dans d’autres parties du monde, hélas, on lutte de manière très obscurantiste et fanatique contre le désenchantement et le doute, lesquels vont tout de  même de pair avec l’esprit critique moderne. Et l’on en appelle à des formes de convictions intégristes qui mènent au pire, comme on l’a vu. Si notre monde est désenchanté, c’est sans doute que nous devenons de plus en plus lucides. Et en particulier de plus en plus lucides sur nous-mêmes. Bien, sûr, la lucidité elle-même n’est qu’une sorte d’ultime illusion. Mais c’est le point où nous en sommes. J’ai intitulé l’un des chapitres du livre « Que croâââ-je ? ». De plus en plus, jusque dans le monde de la science où toute « vérité » ne le reste que le temps d’être invalidée par la vérification expérimentale, nous « savons » que nos savoirs sont d’abord faits de croyances. Notre problème, si c’en est un, c’est que nous ne sommes même plus sûrs de « croire ce que nous croyons ».

    Est-il possible de le réenchanter ?
    — Sans doute, mais c’est moins facile qu’autrefois. A nous de comprendre que ce n’est pas tant notre monde qui est enchanté – encore que sa simple existence a quelque chose du miracle – mais que c’est nous qui l’enchantons de notre regard, et que beaucoup dépend donc de son pouvoir de fertilité. Le minimalisme, c’est peut-être une façon de semer des graines, de donner à notre réel, non pas un sens, mais des sens, aussi minuscules et essentiels que les touches d’un tableau pointilliste.

    Ton livre se termine sur un autre mythe : Sur la route, de Kerouac. Tu évoques ta rencontre avec LuAnne Henderson, la belle Marylou de On the Road. Est-ce que la « beat generation » ne constitue pas le dernier mythe de la littérature ?
    — C’est toi qui m’y fais penser, mais c’est bien possible. Sur la route de Kerouac peut très bien, à l’heure actuelle du moins, être considéré comme la dernière épopée marquante, celle qui clôt toute une série inaugurée par L’Odyssée de Homère et, au début du XXe siècle par Ulysse de James Joyce. Sur la route est un poème, un chant d’exaltation. Kerouac y fait précisément preuve d’un regard fertile. Mais ce sera un chant déçu, au bout du compte. Kerouac lui-même a fini très tristement, les yeux dessillés. Désormais, nous sentons tous qu’il faudra nous coltiner un monde clos, avec de nombreux culs-de-sac. D’autres voies, d’autres chemins peuvent s’ouvrir devant nous. C’est affaire d’imaginaire d’abord. Les sociétés humaines, et le quotidien qui va avec, prennent la forme que leur a donnée notre imaginaire. Creusons la fable.

    * Jean-François Duval, Et vous, faites-vous semblant d'exister ? Paris, PUF, 2010.